I
On tourne en rond - après tout juste une décennie. Comme
si c'était supposé finir ainsi - la seconde partie de la
décade émerge et le nouveau style décolle lentement,
pour culminer à un moment donné, décliner à
la fin de la décennie, puis être commercialisé, pendant
que dans le même temps se forment de nouvelles poches de création
souterraine. Autour de 1995 le conservatisme commence à se développer
à une large échelle de petits groupes de guérilla
se préparent dans leurs laboratoires souterrains à une insurrection
prochaine. La domination de la House et le retour de l'Electro sont le
signe non pas d'un conservatisme à l'oeuvre mais plutôt d'une
certaine nostalgie de la période pré-trance. Il ne semble
pas possible de retourner à cet état de négation agressive
du contenu.
Ce sont les années 90, et, soyons francs, tout est trouble. Tandis
que la house est sincèrement hédoniste et provient originellement
des ghettos noirs & gays des grandes villes américaines, sa
stagnation actuelle résulte probablement de sa récupération
par des producteurs blancs et hétéros sans imagination. Le
seul intérêt en ce domaine pourrait venir d'une dépassement
des figures convenues du genre, parce que ce genre est aujourd'hui bon
pour les momies. Je sais que vous vous attendez à ce que j'oppose
la house et le Hardcore, mais je ne le ferais pas. Le Hardcore n'est pas
un style. Le style le plus futuriste en 1995 c'est la jungle. Le Hardcore
viendra plus tard, et j'en parlerai ensuite.
Comme dans tout style constitué, il y a beaucoup de jungle banale,
insignifiante et stéréotypée, mais le point important
dans cette musique vient de ce que la technologie est pleinement utilisée,
poussée à ses limites, ce qui n'est pas le cas dans la house, l'acid ou la trance ou même dans le Hardcore Gabber. Ce qui ne veut
pas dire qu'il n'y a pas de bons morceaux ici ou là, mais en délaissant
nombres de possibilités, ces genres s'auto-limitent et par conséquent
vieillissent rapidement. Tandis que l'Acid se concentre sur la combinaison
de boites à rythmes et synthétiseurs analogiques (technologies
datant de la fin des années 70 et du début des années
80), la jungle utilise des sources de plus en plus variées et est
centrée autour des technologies d'échantillonnages les plus
récentes. Cet esprit d'exploration conduit à de nouvelles
découvertes excitantes. Ici encore on trouve un son à la
fois populaire et très expérimental, utilisant la technologie
de manière nouvelle, pour un son lourd, sombre, bruiteux et dansant.
Toute discussion à ce propos est sujette à débat,
mais nous ne devons pas nous en inquiéter. La musique dont nous
parlons est multidimensionnelle ; l''expérience de la musique ne
peut être objective. Il y a de nombreux points de vue et nous refusons
de nous en limiter à un seul. Quelques articles d'Alien Underground
traitent de sujets selon différents points de vue. Sous les angles
historiques, esthétiques et psycho-sociologiques. La théorie
comporte des dangers mais le jeu en vaut la chandelle - et surtout nous
ne devons pas laisser la réflexion au seul soin de personnes qui
ignorent les tenants et les aboutissants, tels les journalistes ou les
universitaires.
Allons au delà de ce qu'offrent les styles et les genres. Prenons
au sérieux l'idée d'ête ouvert d'esprit. Il y a des
millions de sons dans l'univers, pas seulement ceux des 303 et des 909.
Ce purisme est réactionnaire. Trop de gens recherchent une petite
famille, une petite prière à laquelle ils pourraient se tenir,
un petit système pathétique qui par nature exclura la richesse,
la passion et l'expérience de la vie et la créativité.
Même si la musique de la rave culture dans son sens le plus large
est variée et complexe, riche et créative, la réflexion
profonde a été négligée au profit de slogans
réducteurs tels que ìpaix - amour - unitéî. La forme aimable
du fascisme (rien de nouveau depuis ìEin Volk - Ein Reich - Ein Führer). D'autre part la soi-disant ìintelligent technoî sert seulement de prétexte
pour l'élitisme de jeunes blancs. Pour des raisons que je ne pourrais
jamais comprendre, la belle musique est toujours qualifiée de ìsombreî.
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