Octobre 1996. des signes de plus en plus évidents montrent le
déclin de l'ère de la Techno, la fin de la rave culture ou
bien son intégration dans l'industrie des loisirs, et par conséquent
la fin de tout l'intérêt que l'on pouvait y trouver. Bien
sur c'est un question de définition - et nous devons nous rappeler
que la tyrannie de la mesure 4/4 était déjà critiquée
il y a plusieurs années par certains (Force Inc. choisit dès
92 de se consacrer au breakbeat). C'est probablement grâce à
la Trance que la domination du 4/4 est devenu un outil pour le pouvoir
et le contrôle en éliminant les concepts de libération
associés. Loin de devenir futuriste et expérimentale en soi,
la Techno est devenue un style largement conservateur. Le Hardcore est
une tentative d'échapper à cette perspective en devenant
plus dur, rapide et extrême. Mais c'est une scène mineure
trop occupée par ses querelles intestines et d'ennuyeux sectarismes
; préférant s'entre-attaquer au lieu de combattre le véritable
ennemi (par exemple l'industrie des loisirs dans son rôle de propagande
pour le système politique et social). Je ne suis pas en train de
proposer un concept de pseudo-unité. La diversité est une
force. Des changements vont se produire et un nouveau paysage va apparaître
dans lequel n'auront pas leur place ceux qui sont rongés par de
stériles et ridicules jalousies ni ceux qui sont préoccupés
des stratégies bassement mercantiles.
Si l'on croit la théorie des développement cycliques des
mouvements de la ìculture jeuneî, émergeant avec une force neuve
puis absorbés par le système dans la période d'une
décennie, alors il apparaît facile de prédire ce qui
va arriver prochainement. Alors que la plupart des écrits issus
du ìNew ageî se situent entre le comique et le sordide, je relève
dans le livre ìThe Sekhmet Hypothesisî d'Iain Spence dans lequel il aborde
une thèse sur la culture juvénile à venir qu'il nomme
ìtempêteî succédant à la trilogie hippie/Punk/rave
et complétant le ìmandala cosmiqueî. Un mouvement ultra-agressif
et sombre, plus militant et engagé politiquement que la rave, plus
organisé que le Punk, et totalement hostile à la société
bourgeoise en général. Elle sera incomprise et présentée
injustement par les media comme ìfasciste, ìtotalitaireî et ìapocalyptiqueî.
Mais sa force brutale anéantira les anciennes valeurs dans les quelques
années à venir. Bien sûr, nous avons déjà
eu les raves Technostorm en 90/91 mettant le feu aux poudres sur la scène
allemande des raves, et surtout le label Stormcore (je dois mentionner
le tract que nous avions distribué en mai 94 à une fête
qui n'eu finalement jamais eu lieu annonçant l'arrivée des
forces démoniaques de la Techno - 66623 - storm uk London). Il n'est
pas difficile d'apercevoir une nouvelle culture jeune ìnégativeî
émergeant après le ridicule positivisme de la rave (nous
avons certainement contribué à l'essor d'une nouvelle école
sombre et militante dans la scène Hardcore avec la création
de Praxis). Mais il est toutefois intéressant de voir de telles
prédictions venant d'un camp aussi éloigné.
Dans le magazine Frieze, on pouvait lire récemment un article
sur le Gabba signé par Simon Reynolds, un des rares journalistes
musicaux intelligent du Royaume-Uni, ce qui justifie une réponse
sur les points avec lesquels je suis en désaccord. Reynolds écrit
: ìAlien Underground, un fanzine londonien focalisé sur la scène
internationale ultra-core, passe en revue des morceaux utilisant des samples
des écrits de Virilio à propos de la vitesse de la machine
de guerre, des délires sur les explosions spontanées, l'éblouissement
des assassinats, le paroxysme de la vitesse... une machine de guerre interne.
La ìpure poésie d'Uziî à 250 bpm de Gangsta Toons industry
est exaltée comme exercice dans l'art de la disparition et de l'immobilité.
Tout cela représente pour Virilio un anti-humanisme culturel exterministe
qui doit être dénoncé et combattu alors qu'il est valorisé
et encensé par ces speedfreaks techno-junkiesî. Dans le paragraphe
précédent, Reynolds précise ìle fétichisme
quasi-autistique de la technologie et l'identification perverse de la libido
avec le complexe militaro-industriel est encore plus intense [que dans
le Gabba]. Les fantasmes abondent sur l'interface homme-machine et les
prothèses offrant les pouvoirs du surhomme. Ce qui surprend c'est
que ce cyber fétichisme côtoie de près une opposition
nommée ìguerilla warfare on vinylî militant contre les corporations
qui développent actuellement ces technologies.
Mon opinion est que ce n'est pas du tout contradictoire. Il faut préciser
que ces 2 paragraphes traitent de points dépassant largement le
Gabba, lequel ne nous intéresse pas outre mesure, pour la raison
que le Gabba fait partie avec la Trance de cette culture rave déclinante.
Le Gabba a pour lui un humour permettant de transcender la tyrannie de
la mesure à 4/4, un second degré que la Trance n'a jamais
eu. Au delà du Gabba, il faut lire post-techno, un nouveau courant
qui en fait ne partage pas le cyber-fétichisme et le positivisme
de ce vieux style, qui PRÉFÈRE LE CHOC À LA RÉPÉTITION
et qui est une part du courant qui oppose les technologies du Pouvoir et
du Contrôle. Si je demeure fasciné et inspiré par les
écrits de Virilio, je ne crois pas à une alternative entre
humanisme et exterminisme. C'est une fausse opposition née de la
foi chrétienne de Virilio discrètement évoquées
à travers son livre. Avec le développement des technologies
de Contrôle en temps-réel et de militarisation de la vie quotidienne,
il voit le monde se diriger fatalement vers une précipice inévitable.
Pour moi ces technologies sont simplement l'équivalent moderne de l'obscurantisme cultivé par
l'église dans le monde entier
par les siècles passés, quelque chose qui peut être
vaincu. Nous allons par la suite débattre des diverses stratégies
permettant de rompre avec cette perspective inacceptable. Mentionnons simplement
que nous envisageons une rupture aussi radicale que peut l'être un
suicide, mais toujours considéré dans un angle collectif.
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